A l’approche des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, la rédaction de HandiVoice est partie à la rencontre de Michaël Jérémiasz, titulaire de l’un des plus beaux palmarès du tennis tricolore et porte-drapeau de la délégation française aux Jeux Paralympiques de Rio, en 2016. Il nous présente son parcours, sa carrière et ses combats au service d’une société accessible à tous et de l’accompagnement des personnes accidentées de la vie.
Un saut à ski… vers l’hôpital…
Avant toute chose, je raconte mon histoire, non par égo, mais pour donner de l’espoir aux personnes touchées par un accident de la vie. Je suis passé par là. Lorsque l’on est immobilisé sur son lit d’hôpital, il faut une sacrée dose d’imagination et d’optimisme pour entrevoir ce que peut être une vie autonome, épanouie et heureuse. Je prouve chaque jour que cette vie existe. Ma famille et le sport y sont pour beaucoup. Du sport, j’en ai toujours fait. A 6 ans, j’ai commencé à jouer au tennis avec, très vite, l’ambition de devenir professionnel. J’étais à fond, comme dans tout ce que j’entreprends. A 18 ans, comme chaque année, je suis aux sports d’hiver en famille. Avec mes frères, nous organisons un concours de saut à ski. Comme d’habitude, je suis prêt à tout pour le gagner. Je prends tous les risques. La suite, je ne m’en souviens pas. Après une longue période de black-out, je me réveille à l’hôpital et apprends que je suis paraplégique. Ma principale obsession devient très terre à terre : Comment devenir autonome dans tous ces gestes du quotidien auxquels je ne prêtais, jusque-là, aucune attention ? Que vais-je devenir ? Quel regard les filles porteront sur moi ?
Désormais condamné à me déplacer en fauteuil roulant, je dois apprendre à devenir autonome, alors même que je ne peux pas quitter mon lit ! C’est là que le sport reprend une place dans ma vie. Mes bras étant désormais appelés à m’aider à me déplacer aussi, il va falloir les muscler… C’est reparti !
… puis l’un des plus beaux palmarès du tennis français
Me voilà à faire de la musculation alité, à redécouvrir mon corps, à repousser mes limites et surtout, à réapprendre à être autonome. Mes parents et mes frères sont là, simplement heureux, je pense, que je sois vivant. Ils m’encouragent, me soutiennent et nous apprenons, ensemble, à vivre autrement. Chaque jour, je repousse de nouvelles limites, explore de nouveaux horizons et prends confiance en moi. Cette étape est essentielle. C’est ce que le sport permet d’acquérir. Entre-temps, j’apprends évidemment à utiliser un fauteuil roulant et je retourne à la fac où je fais des études de langues qui me serviront beaucoup dans ma carrière. Je découvre rapidement l’existence du tennis-fauteuil ; c’est du tennis, mais en fauteuil roulant. Un jour, mon frère me dira « Gros, ce sport est fait pour toi, t’as toujours eu une technique incroyable, un mental d’acier, mais un jeu de jambe de merde… »
Un an après mon accident, je débute sur le circuit international. En 2003, je remporte mes 1ères victoires importantes à l’Open d’Australie et participe à la finale du Masters en fin d’année. En 2004, je remporte 19 titres et deviens n°1 mondial en double ! En 2005, je deviens n°1 mondial en simple. Tout au long de ma carrière, qui s’arrêtera aux Jeux Olympiques de Rio en 2016, où je suis porte-drapeau de la délégation française, j’aurais remporté 7 tournois du Grand Chelem en double (2 US Open, 2 Roland-Garros, 2 Wimbledon, 1 Open d’Australie) et 4 médailles aux Jeux Paralympiques (Athènes en 2004 : argent en double et bronze en simple ; Pékin en 2008 : or en double ; Londres en 2012 : bronze en double). Mes frères, mes parents, ainsi que celle qui deviendra ma femme et la maman de mes 2 enfants m’ont apporté un soutien sans faille… et m’ont aussi remis à ma place quand nécessaire.
… et l’accompagnement des personnes touchées par un accident de la vie.
Cette expérience, j’ai décidé de la mettre au service des personnes touchées par un accident de la vie. Aujourd’hui retraité des courts, j’agis pour améliorer le quotidien des personnes handicapées et leur insertion dans la société :
- Je conseille les directions de très grandes entreprises françaises comme Disneyland Paris, Accor, Lacoste… en matière de politique handicap
- Je milite auprès des pouvoirs publics
- Via l’entreprise sociale Handiamo, que j’ai cofondée, nous représentons des sportifs de haut niveau handicapés et organisons des événements de sensibilisation au handicap par le sport
- Via l’association Comme les Autres, nous aidons des personnes victimes d’accidents de la vie à se reconstruire sous tous les aspects : à reprendre confiance en eux, à repousser leurs limites, à retrouver un travail, un logement…
Créée il y a 13 ans avec mon grand frère Jonathan et ma femme Carolyn, Comme les autres compte aujourd’hui 35 salariés permanents et une présence dans 7 régions. Depuis 2011, l’association a accompagné plus de 1 100 personnes touchées par un accident de la vie, grâce, notamment, au soutien d’entreprises et de fondations.
Notre accompagnement associe un suivi personnalisé par un travailleur social et la participation à des activités collectives, de proximité : activités sportives, culturelles, ateliers de mobilité, initiation au théâtre d’improvisation, etc.
Nous proposons également des activités à sensations fortes en mixité entre personnes handicapées et non-handicapées aux personnes que nous accompagnons. Le format le plus intensif consiste en un séjour-aventure sportif de 5 jours. Une vingtaine de départs sont organisés chaque année depuis nos antennes régionales.
Le handicap ne prévient pas, il peut arriver à tout moment et à chacun d’entre nous. Environ 15 % de la population française est touchée. Nous avons toutes et tous droit à une vie épanouie et une place dans la société. Le sport, notamment, permet d’aider à se reconstruire, à retrouver confiance en soi.
Photo à la Une : M. Jérémiasz
Photo d’illustration : Comité paralympique français